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Publié par Scientifique

A Montpellier, un homme a été infecté par ce virus provoquant des troubles neurologiques. Un cas inédit en France.

Son nom ne vous dit sûrement rien. Parmi la liste des virus transmissibles à l'homme par les moustiques - tels Zika, le chikungunya, la dengue, ou encore l'encéphalite japonaise- Usutu était jusqu'ici resté franchement discret. 

Jusqu'à ce qu'une équipe de chercheurs français révèle début mai, dans la revue scientifique américaine Emerging Infectious Disease, avoir constaté un cas d'infection humaine par ce virus, à Montpellier (Hérault) en 2016, via le moustique le plus commun de l'Hexagone, le culex. 

Faut-il s'inquiéter d'une éventuelle épidémie à venir ? Le Dr Yannick Simonin, enseignant-chercheur de l'université de Montpellier, revient sur sa découverte.

 

Comment avez-vous découvert l'existence de ce virus? 

Dr Yannick Simonin : Nous savons que ce virus venu d'Afrique circule en Europe depuis plusieurs années. Il a été montré que depuis 2015, il se propage en France de façon plus intensive chez les volatiles.  

En Belgique par exemple, il y a aujourd'hui un problème important avec la faune aviaire, chez les passereaux et les rapaces principalement. Lorsqu'ils sont infectés par Usutu, ces animaux souffrent d'atteintes neurologiques menant au décès.  

En France, des chercheurs du réseau SAGIR (un réseau de surveillance épidémiologique des oiseaux et des mammifères sauvages), de l'ONCFS (Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage) et de l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail) ont aussi constaté une augmentation de la mortalité aviaire, notamment chez les merles infectés par le virus. C'est ainsi que nous avons commencé à nous y intéresser.  

Pourquoi avoir mené votre étude en Occitanie ? 

Nous savions déjà que la région de Montpellier, en raison de la présence de la Camargue notamment, était une région potentiellement à risque pour ce type de virus [il s'agit d'un gros foyer d'oiseaux migrateurs et donc de moustiques]. C'était déjà le cas avec le chikungunya, responsable de plusieurs cas en 2014. 

En travaillant en collaboration avec la Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) de Montpellier, nous nous sommes rendu compte que le virus était présent dans la région. Leurs chercheurs ont capturé des moustiques afin d'effectuer des analyses et se sont aperçus que le virus Usutu était présent dans nombre de ces insectes. 

Nous étudions donc ce virus depuis 2016, afin de comprendre comment il fonctionne, car nous savons qu'il existe des cas de transmission à l'homme -un repas de choix pour les moustiques.  

Que sait-on de ce virus ? 

Le virus Usutu [découvert en Afrique du Sud en 1959] vient de la famille des Flavivirus, comme Zika. Cette famille regroupe en fait beaucoup de virus potentiellement dangereux pour l'homme, comme la dengue, ou l'encéphalite japonaise.  

Il s'agit d'un virus fragile, qui ne peut pas se trouver dans l'environnement s'il n'est pas présent dans un liquide biologique, comme le sang. Il se transmet par le moustique culex, qui est le plus classique des moustiques, et pour qui les oiseaux constituent un véritable réservoir. 

Le virus Usutu se transmet à l'homme via le moustique le plus commun de l'Hexagone, le culex.
Le virus Usutu se transmet à l'homme via le moustique le plus commun de l'Hexagone, le culex.REUTERS/CDC/James Gathany

Usutu ressemble beaucoup au West Nile, un virus qui a circulé un peu dans le Sud-Est de la France dans les années 2000 et a des effets potentiels sur le système neurologique de l'homme.  

On sait également que si la maladie peut se transmettre d'oiseau à moustique, des chauves-souris ont également été infectées. Ces animaux sont des "sacs à virus", elles ont déjà été le réservoir du virus Ebola en Afrique. Des rongeurs ont aussi été potentiellement infectés. En fait, on considère ici que l'homme est un hôte "accidentel" de ce virus, dans la mesure où il n'en est pas le réservoir. 

Quels sont les effets de Usutu sur l'homme justement ? 

Usutu peut mener à des troubles importants du système nerveux, mais probablement de façon sporadique. Certains cas ont déjà été constatés ces dernières années en Europe : trois en Croatie et une quinzaine en Italie. Ces patients présentaient des encéphalites ou méningo-encéphalites, une inflammation du cerveau et/ou des méninges.  

Il demeure beaucoup d'incertitudes concernant ces cas et ces données sont à prendre avec des pincettes, car on ne peut être sûr à 100% du lien entre le virus et ces symptômes. Certains des patients malades en Italie et Croatie étaient immuno-déprimés [un état de faiblesse favorisant les infections] et d'autres présentaient déjà des pathologies pouvant les rendre plus sensibles. 

Mais, d'autres patients atteints n'avaient au contraire aucune autre maladie, ce qui prouve que des individus sains pourraient aussi être infectés. Néanmoins, le risque pour l'homme semble pour l'instant limité. 

Comment avez-vous découvert le cas du patient infecté en France ?  

Grâce aux CHU de Montpellier et de Nîmes, nous avons pu avoir à notre disposition des prélèvements de liquide céphalo-rachidiens récupérés chez des personnes atteintes de troubles neurologiques. Nous avons ensuite analysé ces échantillons collectés en 2016 et pour lesquels les médecins n'avaient pas pu déterminer de causalité. C'est là que nous nous sommes aperçus de la présence du virus chez une de ces personnes.  

Que sait-on de cet homme ?  

Il s'agit d'un patient de 39 ans, qui a été admis en novembre 2016 au service de neurologie de Montpellier car il présentait une paralysie faciale. Il a récupéré toutes ses facultés en quelques jours, sans avoir de séquelles. C'est un cas assez atypique, sur lequel nous devons faire des recherches supplémentaires. 

"Il est arrivé avec une paralysie faciale. Son côté droit du visage ne pouvait plus bouger. Il avait des fourmis dans tous le corps et du côté droit principalement et des petits déficits moteurs. Un tableau assez atypique pour une paralysie faciale classique", a expliqué en début de semaine Olivier Sillam le neurologue du CHU Montpellier qui s'est occupé de ce patient, à France 3. 

Le virus peut-il se transmettre d'homme à homme ?  

Si vous m'aviez posé la question il y a un an et demi, je vous aurais répondu que non, assurément. Mais depuis, on s'est aperçus que le virus Zika se transmet aussi bien par les piqûres de moustique, que par voie sexuelle, il est donc difficile de vous répondre. En fait, on l'ignore encore, car on ne connaît pas assez le virus Usutu. Il faudra que l'on mène des études en laboratoire, sur les urines, la salive ou encore le sperme d'animaux contaminés... Mais cela reste malgré tout assez peu probable. 

Faut-il s'inquiéter ? 

Il n'y a pas d'épidémie à ce jour, ni de risques majeurs de santé publique avérés, mais nous devons porter une attention toute particulière à ce virus, qui risque, comme d'autres, d'évoluer rapidement. Nous devons encore comprendre comment il fonctionne.  

Un moustique de type Aedes aegypti, vecteur du virus Zika, au laboratoire de l'université de Salvador, à San Salvador, le 3 février 2016.
Un moustique de type Aedes aegypti, vecteur du virus Zika, au laboratoire de l'université de Salvador, à San Salvador, le 3 février 2016.afp.com/Marvin RECINOS

Notre objectif est d'étudier ses éventuelles mutations, afin de voir l'évolution de sa dangerosité. Par exemple, avec Zika : pendant longtemps ce virus n'a provoqué que très peu de cas de personnes malades, puis il a explosé en se rendant responsable d'épidémies majeures. Ce n'est pas toujours facile à anticiper et clairement, Zika, nous ne l'avions pas vu venir. 

De plus, le moustique culex est un vecteur en France, on le sait, mais nous avons aussi des inquiétudes concernant le moustique tigre, très présent dans l'Hexagone, car il pourrait lui aussi être porteur du virus. 

Comment pourrait-on mieux le connaître, ce virus ?  

Il faudrait mener une étude plus vaste, sous forme de cartographie, pour déterminer les régions dans lesquelles on trouve le virus au sein des moustiques. On sait notamment qu'en Alsace, il y a des décès d'oiseaux migrateurs, potentielle réserve principale de Usutu. Ensuite, il faudrait éventuellement analyser les cas d'atteintes neurologiques dans ces régions, comme nous l'avons fait à Montpellier.  

Il faudrait également tester les donneurs de sang, pour déterminer la présence éventuelle d'anticorps dirigés contre le virus Usutu. L'idée étant d'évaluer le nombre d'individus exposés. 

Comment travaillez-vous ? 

A ce jour, l'Anses à Lyon surveille attentivement ce virus chez les oiseaux. Ses chercheurs nous fournissent des souches de virus présents en France et nous les étudions au laboratoire afin d'évaluer leur dangerosité potentielle. 

Nous travaillons également en collaboration avec le CIRAD à Montpellier, sur la problématique des moustiques infectés et avec une équipe de chercheurs en Espagne. Mais nous tournons également notre regard vers l'Afrique et notamment vers le Burkina Faso, qui est un des deux pays africains dans lequel le virus a pu circuler. 

Dans tous les cas, nous savons que les virus vont devenir une question problématique, à laquelle nous allons devoir faire face de plus en plus, en raison notamment de la multiplication de nos voyages et nos échanges à travers la planète. 

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