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Publié par Scientifique

Grâce à des examens oculaires, il est possible de dépister des maladies inflammatoires, métaboliques ou encore infectieuses.

Suffirait-il d’un selfie pour détecter le cancer du pancréas? C’est en tout cas ce que promet une nouvelle application sur smartphone développée par des chercheurs américains. Ils sont partis du constat que l’un des premiers symptômes de ce cancer très agressif était la coloration en jaune de la peau et des yeux. L’application servirait à détecter les signes précoces de jaunisse sur le blanc des yeux, alors encore invisibles à l’œil nu. Après avoir publié dans la revue Proceeding of the ACM Interactive, Mobile, Wearable and Ubiquitous Technologies, les chercheurs présenteront leur application lors d’un Congrès sur l’informatique à Hawaï.

La myopie, la cataracte ou la dégénérescence maculaire liée à l’âge ne sont pas les seules maladies à être révélées par l’examen des yeux. «L’œil est une fenêtre sur le reste du corps, explique Antoine Brézin, professeur à l’université Paris Descartes et chef de service au centre d’ophtalmologie de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (APHP). Il existe peu d’organes ou de tissus du corps humain qui permettent un examen en profondeur pour dépister des maladies, mais l’œil en fait partie.»

Scruter le diabète dans le fond d’oeil

Lors d’un rendez-vous chez l’ophtalmologiste, les patients sont soumis à un examen routinier, le fond d’œil. Ce contrôle entraîne généralement la dilatation de la pupille pour observer la rétine. Si l’étude de cette dernière y révèle des anomalies des vaisseaux sanguins (lésions, vaisseaux devenus perméables, etc.), le patient est atteint de rétinopathie.

Cette affection de la rétine peut être causée par un diabète de type 2 qui n’a pas été bien traité: c’est la rétinopathie diabétique. Dans la plupart des cas, le diabète est diagnostiqué avant l’apparition de symptômes dans l’œil. Mais il arrive que le patient ne soit pas au courant de son diabète et qu’il développe une rétinopathie. Il présente alors une gêne visuelle qui devrait l’inciter à consulter. «Ce sont des cas rares en France, alors que cela est davantage vrai dans des pays plus pauvres», explique le Pr Antoine Brézin.

La rétinopathie peut également être causée par de l’hypertension: on parle alors de rétinopathie hypertensive. La pression artérielle élevée endommage les vaisseaux sanguins, impliquant une moindre irrigation de la rétine. Les rétinopathies peuvent conduire à la cécité des patients en l’absence de traitement.

« Les inflammations intraoculaires con­­cernent environ 1 personne sur 1000 mais elles sont régulièrement révélatrices d’une maladie générale, parfois d’origine infectieuse »Pr Antoine Brézin

 

Si le diabète de type 2 ou l’hypertension sont plutôt courants (atteignant 7 % et 31 % de la population française respectivement), d’autres maladies, plus rares, peuvent également être diagnostiquées. C’est le cas de certaines maladies inflammatoires, infectieuses ou «dans des cas plus rares, des pathologies tumorales», explique Pierre-Jean Pisella, professeur d’ophtalmologie à l’université François-Rabelais de Tours, chef de service à l’hôpital Bretonneau et président de la Société française d’ophtalmologie.

«Les inflammations intraoculaires concernent environ 1 personne sur 1000 mais elles sont régulièrement révélatrices d’une maladie générale, parfois d’origine infectieuse», relate le Pr Antoine Brézin. C’est le cas de la syphilis, par exemple, où l’atteinte oculaire survient essentiellement lors des phases avancées de la maladie. Une inflammation de l’œil couplée à une baisse de la vision ou à un flou (avec des corps flottants) peut être révélatrice de la tuberculose. «Mais c’est extrêmement rare», rassure le Pr Antoine Brézin, qui précise qu’il voit ce cas moins d’une fois par an.

Premiers signes

De même, dans un article publié dans Nature Reviews Rheumatology en décembre 2013, une équipe de chercheurs français, à laquelle appartenait le Pr Brézin, montre que les complications de la polyarthrite rhumatoïde - un rhumatisme inflammatoire chronique particulièrement invalidant - incluent des manifestations ophtalmologiques. Ces dernières peuvent être, dans certains cas, les premiers signes de la maladie. D’autres maladies inflammatoires sont concernées: la spondylarthrite ankylosante, la maladie de Behçet, ou la sarcoïdose, qui atteint divers organes, dont les poumons.

«Un symptôme visuel ne doit jamais être mis de côté ou être pris à la légère»

Pr Antoine Brézin

 

«Pour conclure, un symptôme visuel ne doit jamais être mis de côté ou être pris à la légère. Si le patient ressent une douleur, s’il ne voit plus correctement ou s’il présente une rougeur, cela doit le motiver à consulter car il y a un risque de rater un signe d’une maladie», explique le Pr Antoine Brézin. Une affirmation à laquelle adhère le Pr Pierre-Jean Pisella: «Ce qu’il faut retenir, c’est que l’ophtalmologiste peut arriver à poser ces diagnostics, il ne sert pas seulement à faire les paires de lunettes. C’est un médecin spécialiste, qui réalise des examens cliniques ophtalmologiques complets.»

«La suspicion de telle ou telle maladie va nous conduire à adresser notre patient à un rhumatologue ou un spécialiste des maladies infectieuses par exemple», explique le Pr Pierre-Jean Pisella. Antoine Brézin confirme, et précise: «Chaque année, quelques patients présentent des manifestations oculaires dont l’identification leur sauve la vie.»

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