La consommation des amandes d’abricots cause d’intoxication au cyanure
33 personnes ont présenté les symptômes d’une intoxication au cyanure due à la consommation d’amandes amères d’abricot entre 2012 et 2017, selon un rapport de l’Anses.
On les met dans la confiture, on les grignote au goûter, on les prend en guise de compléments alimentaires… Les amandes amères d’abricots ne sont pourtant pas si anodines que cela. Elles contiennent en effet une forte quantité d’amygdaline, une molécule qui libère du cyanure dans notre organisme au cours de la digestion. Hautement toxique, le cyanure est un poison dont l’ingestion d’une dose comprise entre 0,5 et 3,5 mg par kilo peut se révéler mortelle, soit entre 0,03 et 0,2 gramme pour une personne de 60 kilos. Un rapport de l’Agence de sécurité sanitaire (Anses) rapporte que 154 cas d’intoxication aux amandes amères d’abricot ont eu lieu entre 2012 et 2017, dont 33 personnes qui présentaient des symptômes et 121 qui étaient asymptomatiques.
«À faible dose, l’intoxication au cyanure peut provoquer des symptômes tels que fièvre, céphalées, nausées, insomnie, léthargie, douleurs articulaires et musculaires, chute de tension artérielle, rappelle l’Anses. À forte dose, l’intoxication peut conduire à des convulsions, des troubles respiratoires, une diminution de la fréquence cardiaque, une perte de connaissance voire un coma». Heureusement, les cas graves d’intoxication à cause des amandes amères d’abricot sont rares: en 5 ans, parmi les 154 cas répertoriés, seuls 33 étaient symptomatiques. En effet, l’étude s’est faite sur les appels passés aux Centres Antipoison français, comme l’explique le Dr Jérôme Langrand, médecin toxicologue au Centre Antipoison de Paris, qui a réalisé l’étude en collaboration avec l’Anses: «cela concerne soit des gens qui ont mangé des amandes et qui ont des symptômes, soit des gens qui ont appelé inquiets après avoir mangé des amandes puis lu des choses sur le cyanure sur Internet», ce qui explique les nombreux cas asymptomatiques.
De fausses propriétés anti-cancer
«Dans 12% des cas, les amandes étaient consommées avec des visées «anti cancer». Soit par des personnes atteintes d’un cancer, soit dans un but préventif», pointe l’Anses. En effet, les prétendues propriétés anti cancer des amandes amères d’abricot ne datent pas d’hier, explique le Dr Jérôme Langrand: «dans les années 50, un homme a appelé l’amygdaline la «vitamine B17». Mais il s’agit juste d’une appellation marketing intelligente, car l’amygdaline n’est pas une vitamine», explique-t-il. Ce médecin, le Dr Krebs, invente une sorte d’extrait d’amygdaline qu’il nomme Laetrile et qu’il vend pour traiter les cancers. «Son utilisation anti cancer n’est basée sur absolument rien de sérieux», dénonce le médecin toxicologue. «D’ailleurs, une étude de la prestigieuse revue Cochrane a repris l’ensemble de ces données supposées sur le Laetrile et a considéré que le niveau scientifique était trop faible», poursuit-il.
Attention aux fortes doses
Pourtant, sur Internet, des sites se revendiquant «bio» font encore la publicité de ces amandes, l’un d’eux promettant par exemple que «prises à forte dose, les tumeurs cancéreuses sont réduites». De plus, certains encouragent une forte consommation, «pouvant aller de 10 amandes par jour en prévention à 60 amandes pour les personnes atteintes d’un cancer», note l’Anses. Attention à cette prise à haute dose: l’agence du médicament observe que plus on mange d’amandes en une fois, plus il y a de cas symptomatiques. «Nous n’avons pas trouvé de cas très graves», rappelle le Dr Jérôme Langrand, mais deux d’entre eux ont présenté des symptômes marqués: une hypotension nécessitant une hospitalisation chez une femme de 54 ans qui avait consommé 50 amandes en une journée, et un malaise cardiaque chez un homme de 87 ans après l’ingestion de 40 amandes en une journée.
Alors, certes, les amateurs d’amandes amères ne doivent pas se priver d’un petit usage culinaire modéré en ne dépassant pas la recommandation européenne. «Mais se gaver de ça pour aller chercher des effets qui ne sont pas là, cela expose à un risque d’intoxication au cyanure», souligne le Dr Langrand. L’agence européenne de sécurité des aliments estime qu’il ne faut pas dépasser 1 à 3 amandes par jour pour des adultes et la moitié d’une petite amande par jour pour un enfant.
Quant à la consommation d’abricots, elle est sans crainte: en effet, l’amande se trouve à l’intérieur du noyau d’abricot. Pour l’atteindre, il faut casser la coque dure du noyau et, «par conséquent, l’amande n’entre pas en contact avec le fruit lui-même, explique l’Efsa. La consommation normale d’abricots ne pose donc pas de risque pour la santé des consommateurs».