A nouveau, les neutrinos courent plus vite que la lumière
L'expérience Opera persiste et signe. Le 23 septembre, cette collaboration internationale de deux cents physiciens disait avoir mesuré une anomalie sur le parcours de particules quasiment sans masse, des neutrinos, envoyés depuis le CERN en Suisse, jusque sur un détecteur en Italie, 730 kilomètres plus loin (Le Monde du 24 septembre). Après de multiples vérifications des systèmes de mesure du temps et de distance, il semblait que ces particules filent plus vite que la lumière, arrivant 60 milliardièmes de seconde plus tôt que prévu sur leur parcours souterrain de quelque trois millisecondes.
Des dizaines d'objections ont été aussitôt formulées pour expliquer cette anomalie ou au contraire pour la juger impossible. On ne jette pas comme cela la théorie centenaire d'Albert Einstein qui fixe des bornes aux vitesses permises par les particules. Mais les chercheurs viennent, en octobre et novembre, de réaliser de nouveaux tests qui montrent que les neutrinos ont bien l'air de s‘affranchir des lois connues de la physique.
Dans la première expérience, les neutrinos étaient envoyés par bouffée durant chacune plus de dix microsecondes. Ils arrivaient aussi dans la même forme de paquets allongés. Pas facile alors de bien donner les tops de départ et d'arrivée à cette course ultrarapide.
>> Lire : La difficile traque des neutrinos
Le nouveau test a consisté à raccourcir largement ces impulsions, jusqu'à moins de trois milliardièmes de seconde. "Nous avions un marathon dans lequel tout le monde bouge au départ. Là nous pouvons suivre chaque coureur", résume Dario Autiero, responsable de cette analyse pour Opera. Et l'effet étonnant persiste : même individuels, les neutrinos filent plus vite que la lumière. "Cela n'est cependant pas une confirmation car elle n'est pas indépendante de notre expérience. C'est un test complémentaire, utile pour répondre à des objections", précise tout de même le chercheur.
>> Voir : Jacques Marteau, membre de l'équipe, explique les résultats de la première expérience
Une authentique confirmation ne pourrait venir que des Américains de l'expérience Minos, assez semblable à Opera. Eux qui avaient déjà trouvé un indice d'une telle anomalie sont en train d'améliorer leur système de mesure du temps en faisant appel à des spécialistes de la métrologie, notamment du système de positionnement par satellite, GPS.
Les résultats ne sont pas attendus avant six à neuf mois. L'expérience Opera a rendu publique ces derniers tests, vendredi 18 novembre, en déposant sur le site Web arxiv.org, un texte expliquant son travail (PDF, en anglais). Dans la foulée, les chercheurs ont soumis à une revue à comité de lecture pour publication, un article définitif prenant en compte ces nouveaux éléments et répondant à d'autres objections.