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Publié par Scientifique

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Fonte de la banquise et grands froids chez nous... Pour le glaciologue Claude Lorius, ces phénomènes s'inscrivent dans un nouvel âge agité: celui de l'homme.

 

Glaciologue de renom, médaille d'or du CNRS, Claude Lorius, 79 ans, a participé à plus d'une vingtaine d'expéditions polaires. Pionnier des forages glaciaires en Antarctique, il est le seul Français lauréat du prix Blue Planet, sorte de Nobel de l'écologie. Dans un bel essai, Voyage dans l'anthropocène (1), écrit avec le jour- naliste Laurent Carpentier, il raconte comment l'homme, devenu en quelques siècles la principale force géologique , a fait basculer l'environnement durable de la Terre dans une ère d'aléas, d'extrêmes et de destructions, en la transformant "comme aucun autre événement depuis des millions d'années". 

Peut-on relier les épisodes actuels de grand froid avec ce nouvel âge que vous appelez l'anthropocène?

Ces épisodes illustrent bien, en effet, ce temps nouveau qui est désormais le nôtre, dans lequel la notion de températures saisonnières "normales" oscillant par rapport à des moyennes disparaît au profit de conditions plus extrêmes. Loin de remettre en question le réchauffement du climat, ces phénomènes le confirment. 

Par quel mécanisme?

La fonte des glaces arctiques engendre un réchauffement de l'océan alentour. Ce phénomène crée une surpression d'énergie issue de la vapeur d'eau qui s'échappe de la mer pour passer dans l'atmosphère. La circulation de l'air ainsi modifiée provoque des températures très élevées. Le fait que la banquise arctique fonde - de 20 à 30 % depuis une dizaine d'années environ - ne veut pas dire qu'il va faire plus chaud partout ; cela signifie que l'on peut connaître des températures exceptionnellement clémentes au Groenland, par exemple, et, chez nous ou en Amérique du Nord, des extrêmes de froid. 

D'où vient cette notion d'anthropocène?

Le mot - un peu obscur - a été inventé au début des années 2000 par le géochimiste néerlandais Paul Crutzen. Il fait référence aux émissions anthropiques de dioxyde de carbone - du grec anthropos, "humain". Crutzen est parti du constat suivant : sur les dix derniers millénaires, les courbes établies par les glaciologues pour mesurer l'évolution du dioxyde de carbone et du méthane présents dans l'atmosphère montrent une très grande stabilité. Il en est de même pour les courbes de température. Mais, à partir du xixe siècle, ces courbes grimpent de façon exponentielle. Toutes les informations recueillies accréditent l'idée que cette ère nouvelle, même si elle constitue une époque relativement courte, est uneanomalie. Une anomalie dont témoignent les carottes de glace remontées des profondeurs de l'Antarctique, véritables "archives de l'atmosphère". 

"Les glaces apprennent la sagesse", écrivez-vous...

C'est en tout cas l'enseignement que j'ai tiré de mes expéditions au pôle Sud. Je me souviens de mon premier hivernage, en 1957, à la station Charcot, en Terre-Adélie. Nous avions dû cheminer trois semaines en plein blizzard, pour atteindre, à 2 400 mètres d'altitude, notre base enterrée dans les glaces et livrée au silence absolu et au vent. Avec mes deux compagnons d'aventure, nous y avons passé un an. Une dure épreuve. Dans cet univers uniformément blanc, nous avons appris que la solidarité était une nécessité pour notre survie. Une voie que l'on devra suivre pour le devenir de notre planète, soumise aux contraintes de nos modes de vie. On croit que le monde est infini, comme pourraient l'être la Terre et ses ressources, les archives contenues dans les glaces de l'Antarctique nous montrent qu'il n'en est rien. 

Richard De Vendeuil, publié le 14/01/2011 - L'Express.fr

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