Des souris empoisonnées pour éradiquer les serpents sur l'île de Guam
Depuis des dizaines d'années, les serpents Boiga irregularis ont envahi la petite île de Guam située dans le Pacifique. Pour s'en débarrasser, les autorités américaines ont décidé de parachuter dans la région des souris droguées au paracétamol, une molécule toxique pour les serpents.
C'est sans doute à la fin de la Seconde guerre mondiale que tout a commencé. Lorsqu'un cargo militaire aurait accidentellement amené sur Guam, une petite île faisant partie de l'archipel des Mariannes, un serpent qui n'avait rien à faire là, Boiga irregularis. Cette espèce de la famille des Colubridae est originaire d'Australie, de Papouasie-Nouvelle-Guinée et des îles Salomon. Toutefois, sur Guam, le reptile n'a aucun prédateur. Les spécimens ont ainsi commencé à proliférer peu à peu pour finir par envahir la totalité de l'île de 160.000 habitants.
D'après les estimations, il y en aurait actuellement plus de 2 millions et ceux-ci auraient totalement décimé les oiseaux de Guam. Suite à leur arrivée, 10 sur 12 des espèces oiseaux natives auraient disparu. Or, bien plus que ces animaux, c'est tout l'écosystème qui a été perturbé. En effet, avec la diminution des volatiles, les araignées ont également proliféré dans la région. De plus, si ces serpents qui mesurent entre 1 et 3 mètres ne sont pas mortels pour l'homme, ils ont la fâcheuse tendance de grimper aux arbres et sur les poteaux électriques, provoquant régulièrement des coupures d'électricité.
Des souris parachutées pour être mieux attrapées
La situation ayant pris une ampleur considérable, les autorités américaines ont désormais décidé de réagir en frappant fort. Leur plan consiste tout simplement à éradiquer les serpents de l'île, ou tout du moins à réduire considérablement leur nombre. Pour cela, les autorités ont mis au point un stratagème plutôt inattendu : envoyer sur Guam des souris mortes et empoisonnées au paracétamol. Mais pas n'importe comment, les rongeurs seront équipées d'une sorte de petit "parachute" en carton afin que les reptiles perchés dans les arbres puissent les attraper au vol sans difficulté. Ceci permettra également de réduire le risque que ces pièges n'atteignent d'autres animaux.
"Guam est une situation totalement unique. Il n'existe pas un autre endroit au monde qui ait un tel problème de serpent", justifie William Pitt, un biologiste du Centre de recherche sur la faune nationale à Hawaï. D'ailleurs, les autorités craignent que le problème s'étende à d'autres région, si un serpent a le malheur de se glisser dans un avion par exemple. C'est pourquoi les autorités ont mis au point ce plan qui exploite deux faiblesses du reptile. D'une part, il se nourrit certes de proies qu'il chasse mais aussi de charognes qu'il trouve. D'où les souris mortes. Et d'autre part, il ne supporte pas le paracétamol qui lui est fatal.
Au total, quelque 2.000 souris devraient être larguées par hélicoptère en avril ou mai. "Les savants du gouvernement américain ont perfectionné la stratégie du lâcher de souris depuis plus d'une décennie avec le soutien du ministère de la Défense", explique Associated Press. Reste qu'il faut tout de même que les serpents aient un petit creux au moment du lâcher sans quoi les souris finiront par pourrir et ne plus tenter aucun spécimen au bout de deux à trois jours.
Une méthode cruelle et risquée, d'après la PETA
Ce n'est pas la première fois qu'une telle stratégie est utilisée à Guam. En 2010, des souris auraient déjà été larguées sur des installations militaires également envahies. Toutefois, la technique est loin de convaincre tout le monde et notamment l'organisation People for the Ethical Treatment of Animals (PETA) qui l'a vivement dénoncée. "Bien que les serpents soient considérés comme invasifs, aucun animal ne devraient être forcé d'endurer une mort cruelle", a commenté Martin Mersereau, membre de l'organisation.
Selon la PETA, le paracétamol causerait en effet des insuffisances rénales et hépatiques chez les serpents. "Pour les reptiles, la mort peut prendre des jours et même des semaines", a t-il ajouté cité par le Guardian. De plus, la méthode utilisée est aveugle, elle ne permet pas de cibler uniquement les serpents et pourrait présenter "un grand risque pour les carnivores, les charognards et aussi les oiseaux".
Selon lui, il aurait donc mieux valu avoir recours à un piégeage classique pour attraper les serpents avant de les euthanasier, plutôt que de leur servir un repas funeste à base de souris empoisonnées.