L’aube nouvelle des galaxies
Astronomie . Le télescope spatial Hubble a détecté les plus anciennes étoiles jamais observées.
Hier matin, la revue scientifique Nature a publié un article qui fera date dans l’histoire de l’astrophysique (1). Il relate la découverte, grâce au télescope spatial Hubble (Nasa et Agence spatiale européenne - ESA) d’une galaxie observée telle qu’elle était 500 millions d’années seulement après le big-bang.
Ce nouveau record de détection d’une galaxie mène les astrophysiciens 13,2 milliards d’années en arrière (et les éloigne d’autant d’années-lumière de la Terre), à l’époque où l’Univers avait 4% de son âge actuel. Il s’agit donc véritablement de la toute première enfance des galaxies. A l’époque où l’Univers rodait son moteur à fabriquer des étoiles.
Le saut en arrière dans le temps et l’espace opéré par Hubble est important. Le record précédent remontait à 600 millions d’années après le big-bang, et concernait là aussi une galaxie détectée par le télescope spatial, mais surtout dont la distance avait été mesurée avec précision par le Very Large Telescope de l’Observatoire européen austral (ESO) l’an dernier (2).
Limites. C’est la nouvelle caméra à grand champ de Hubble, installée lors de la dernière visite des astronautes, avec la navette spatiale Atlantis en mai 2009, qui a réalisé cette détection acrobatique. Acrobatique car, même si cette nouvelle caméra est 30 fois plus sensible que l’ancienne, la détection a été faite aux limites extrêmes de ses capacités dans l’infrarouge.
La galaxie se situe également aux limites des télescopes terrestres les plus puissants, il sera donc difficile de confirmer la distance par des observations spectroscopiques. La détection provient d’une analyse très fouillée du «champ ultralointain» réalisé dans l’infrarouge vers la fin de l’été en 2009 et 2010. Ce champ se trouve dans la constellation du Fourneau (hémisphère sud), dans une région toute petite et très pauvre en étoiles de notre galaxie. Autrement dit une région très noire, où l’on peut voir très loin sans être gêné par des lumières de premier plan.
Cette galaxie se présente comme un objet assez compact, formé d’étoiles très jeunes, qui devraient donc émettre surtout en lumière bleue. Pourtant, elle n’est observable qu’à l’extrémité du spectre infrarouge, auquel la caméra de Hubble est sensible. Comme elle n’est pas détectée aux longueurs d’ondes plus courtes, les astrophysiciens interprètent ce décalage vers le rouge de la lumière des étoiles comme l’effet de l’expansion de l’Univers, et donc une mesure de distance de la galaxie.
Allumage. L’analyse minutieuse de cette lumière très faible leur permet pourtant d’estimer le taux de formation stellaire dans cette protogalaxie. Or, ce taux semble lui aussi faible, surtout en comparaison avec le rythme de formation de nouvelles étoiles dans les galaxies tout juste un peu moins jeunes : entre 500 et 650 millions d’années, ce rythme est multiplié par dix. Puis par vingt à 780 millions d’années.
Si ces observations sont confirmées, les astrophysiciens auraient mis le doigt sur la toute première phase «d’allumage» des galaxies, lorsqu’elles rodaient leur moteur à fabriquer des étoiles. Des étoiles qui ne jouent pas seulement le rôle de réverbères dans l’Univers : les plus grosses ont fabriqué des éléments chimiques de plus en plus lourds, par fusion thermonucléaire. Et ces atomes lourds ont été dispersés lors de leur explosion en supernovae. Cette évolution chimique a débouché sur la fabrication de planètes rocheuses et des molécules complexes nécessaires à la vie.
Le grand livre de l’histoire du cosmos, s’étendant sur 13,7 milliards d’années, s’enrichit donc d’un nouveau chapitre. Il est encore à l’état d’ébauche mais les télescopes futurs - le successeur de Hubble, le James Webb Telescope (Nasa/Esa) dont le lancement est prévu pour 2014, et les géants terrestres comme l’Extrêmement Grand Télescope de l’ESO de 42 m de diamètre - permettront de le détailler.
http://www.liberation.fr
(1) R.J. Bouwens et al.,Nature du 27 janvier 2011. (2) Lennhert et al.Nature du 21 octobre 2010.