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Publié par Scientifique

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Les premiers résultats fournis par le satellite Planck confirment que notre Univers présente quelques anomalies inexpliquées. Mais aussi plus de matière noire, moins d'énergie noire, une expansion moins rapide et un âge plus avancé: 13,82 milliards d'années.

 

Le 21 mars 2013, on s'attendait à des révélations sur la naissance de l'Univers avec la publication par l'Agence spatiale européenne (ESA) des premiers résultats issus des mesures effectuées par le satellite Planck. Les belles théories sur le Big Bang et sur la physique des particules (modèle standard) allaient-elles voler en éclat?

 

Pas du tout, répondront les conservateurs. Tout espoir n'est pas perdu, se consoleront les tenants d'une révolution de la physique. Ainsi, tout le monde sera satisfait par cette nouvelle photo de l'Univers en gestation. Le communiqué de l'ESA met d'ailleurs plutôt l'accent sur les anomalies révélées par Planck que sur les preuves de la solidité du modèle standard et de la théorie de l'expansion de l'Univers qu'il apporte.

 

L'agence parle ainsi d'un univers presque parfait. Comme si les imperfections étaient plus valorisantes pour Planck qu'une banale normalité. Science et communication font rarement bon ménage. Voyons plutôt ce que ce satellite à vraiment découvert en 5 questions.

1. L’image est-elle une première?

Pas du tout. Il s'agit en fait d'une amélioration, certes considérable, de l'image prise par un autre satellite, WMAP, lancé par la Nasa en 2001 et dont les résultats ont été publiés il y a 10 ans, en 2003. Si l’on compare les deux images, on constate qu’elles présentent de très nombreuses ressemblances. En fait, l’image prise par Planck atteint une précision hors de portée de son prédécesseur. Comme si une photo assez floue devenait beaucoup plus nette.

Par ailleurs, Planck lui-même a fourni, dès 2010, une première carte du ciel réalisée avant que les calculs précis n’aient été effectués.


Image fournie par WMAP en 2003 - Source : NASA / WMAP Science Team

Image fournie par Planck en 2013 - Source :  ESA and the Planck Collaboration
2. Que montre cette carte du ciel ?

L’image est celle de la totalité du ciel dépliée suivant le principe de la projection cartographique sur un plan. Elle donne un aperçu de l’état de l’Univers 380.000 ans après sa naissance, c'est-à-dire après le Big Bang. Avant cette époque, il n’était peuplé que par des particules élémentaires, des protons, des électrons et des photons. Les interactions entre les électrons et les photons créent alors une sorte de brouillard et l’Univers reste opaque.

L’âge de lumière

Mais lorsqu’il atteint l’âge de 380.000 ans, sa température a diminué pour atteindre 2.700°C. A ce moment, les protons et les électrons s’associent pour former de l’hydrogène. Ce phénomène libère les photons dans un Univers devenu transparent.

C’est cette lumière que les instruments présents sur Planck sont parvenus à capter. Enfin, les restes de cette lumière primordiale. En effet, au fil du temps, l’Univers a continué à se refroidir. Et la lumière aussi. Du spectre visible de ses origines, elle est passée par l’infrarouge avant d’entrer dans le domaine des microondes où elle se trouve aujourd’hui. La lumière est ainsi devenue un rayonnement correspondant à la température de 2,7° au dessus du zéro absolu (-273,15°C ou 0 degré Kelvin [K]). Malgré cette chute d’environ 3.000°C, il existe toujours un « fond diffus cosmologique » découvert, par hasard, en 1965 par Arno Penzias et Robert Wilson (prix Nobel de physique en 1978).  

50 fois plus d'énergie que celles de toutes les étoiles

La photo prise par le satellite Planck n’est autre que la cartographie de ce fond cosmologique dans toutes les directions du ciel. On pourrait penser qu’il s’agit d’un phénomène extrêmement ténu, tel le cri de naissance d’un bébé perçu à des km de distance. Pas du tout. Alain Riazuelo, chargé de recherche au CNRS et membre du consortium de l’un des deux instruments de Planck, souligne qu’il possède encore «50 fois plus d’énergie que celle produite par la totalité des étoiles depuis l’origine de l’Univers». De beaux restes bien loin de l’extinction…  

Pour autant, la captation d’un rayonnement à 2,7 K (- 270,45°C) impose de disposer d’un instrument encore plus froid. Pour cela, l’instrument Planck construit en France, HFI, dispose de capteurs (bolomètres) refroidis jusqu’à 0,1 K, soit – 273,05°C. Une température jamais atteinte par l’homme auparavant.

L'hélium 3, le produit le plus cher du monde

Pour y parvenir, le frigo utilise de l’Hélium 3, le produit le plus cher sur Terre puisqu’il revient à environ 20 millions de dollars le kg. De quoi limiter la taille du réservoir. De fait, l’instrument HFI n’a pu fonctionner que 30 mois après le 3 juillet 2009, date à laquelle les bolomètres ont atteint la température de 0,1 K.  

La carte publiée aujourd’hui est le résultat de plus de 15 mois de calculs réalisés par une centaine de spécialistes du traitement du signal. Il faut imaginer que chaque point est une mesure de la température actuelle de la lumière émise il y a environ 13,5 milliards d’années.

3. Quelles anomalies révèle la carte de Planck ?

En toute logique, si le modèle standard était parfaitement respecté, le rayonnement fossile devrait être identique dans toutes les directions. C’est la caractéristique d’isotropie de l’univers observable. Qu’il existe de petites variations ne gène pas les astrophysiciens. Malgré la précision des mesures, il reste des incertitudes. Mais si les écarts deviennent importants, c’est plus embarrassant.


Les anomalies révélées par Planck avec le point froid en bleu en bas à droite - Source :  ESA and the Planck Collaboration
Assymétrie et point froid

Or, c’est justement le cas sur la carte de Planck. L’ESA note ainsi une « asymétrie des températures moyennes ». De fait, la partie droite de la carte apparaît nettement différente de la partie gauche. Une contradiction flagrante par rapport aux prédictions du modèle standard. En particulier, un point froid apparait en bas et vers la droite de l’image. La même que sur la carte de WMAP… Mais plus étendue cette fois.

Ce qui avait pu être considéré comme une imprécision de mesure est dont bel et bien confirmé. Et l’ESA de conclure que ces anomalies « sont réelles et nous devons en chercher une explication crédible ».    

Une cause des disparités de températures et du point froid pourrait venir du facteur d’échelle. A celle de l’observation de Planck, certains des rayons lumineux du fond cosmologiques auraient pu prendre des chemins plus longs que les autres. D’où les distorsions observées. Mais si l’ESA estime devoir chercher une explication crédible, c’est qu’elle ne considère pas cette hypothèse comme telle.

4.Les anomalies remettent-elles en cause le modèle standard?

Les révolutionnaires de la physique aimeraient bien que le modèle standard vole en éclat et que s’ouvre la voie d’une nouvelle physique. Mais Alain Riazuelo n’abonde guère dans ce sens. Pour lui, «avec les données encore plus précises que les précédentes apportées par Planck, le modèle standard résiste très bien à ce test extrêmement sévère». Alors que le communiqué de l’ESA ne le précise guère, plusieurs tests ont été réalisés sur les données fournies par le satellite.

Alain Riazuelo donne un exemple des vérifications qui confortent le modèle standard:

«La carte obtenue de façon brute contient des déformations dues à la matière présente aujourd’hui dans les galaxies de l’Univers. Cette matière engendre des effets de lentille gravitationnelle qui modifient le parcours de la lumière. Les scientifiques sont en mesure d’effectuer les corrections nécessaires pour annuler ces perturbations et obtenir une carte exempte de déformations. Par ailleurs, on a parfaitement déterminé le contenu de l’Univers et la distribution de matière à l’ époque du fond cosmologique et on est capable de prédire la quantité de structures célestes présente sur une ligne de visée. On peut ainsi en déduire quelle sera la déformation de la carte. Or, en mesurant cette déformation et en la prédisant, on trouve le même résultat. Il s’agit là d’un test extrêmement puissant du modèle standard.»  

5. Quelles nouvelles informations nous donne Planck sur l’Univers?

Outre les anomalies et les confirmations de la validité du modèle standard, c'est-à-dire deux résultats contradictoires, les mesures du satellite Planck apportent quelques corrections aux caractéristiques de l’Univers :

  • Son âge est de 13,82 milliards d’années au lieu de 13,7 milliards d’années
  • La masse de matière ordinaire (baryonique) représente 4,9% de la masse totale.
  • La matière noire représente 26,8% de la masse totale, soit 20% de plus qu’avant.
  • La part de l’énergie noire se trouve réduite.
  • La constante de Hubble est désormais de 67,15 au lieu de 72 (km/s)/mégaparsec. Cela signifie que la vitesse de l’expansion de l’Univers est plus faible de 7%.

Nouvelle répartition de la matière dans l'Univers - Source:  ESA and the Planck Collaboration

Pas de quoi bouleverser la planète. Mais quelques corrections à apporter aux manuels d’astrophysique. Au final, Planck ne remet pas en cause le modèle standard ni la théorie cosmologique dominante. Mais la confirmation des anomalies détectées auparavant donnent aux scientifiques un bel objet d’étude pour les années à venir.

Il reste néanmoins de nombreuses données à analyser, en particulier celles de l’autre instrument de Planck, le LFI fabriqué par les Italiens. Rendez-vous donc en 2014 pour une nouvelle mise à jour de nos connaissances sur l’Univers.

M.A.


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