La photo la plus chère du monde ?
La photographie Rhein II d’Andreas Gursky a été adjugée 3,1 millions d’euros par Christie’s à New-York mercredi. Faisant de l’œuvre de ce photographe allemand de 56 ans, la photo la plus chère du monde. "L’inventeur" des ventes de photos aux enchères en France, Pierre Cornette de Saint Cyr nous explique pourquoi.
Pierre Cornette de Saint Cyr : Je suis ravi qu’on comprenne enfin que la photo est un art majeur ! 90% de la création graphique du XIXe et du début du XXe a été jetée ! On pensait qu’un portrait de Nadar, ça n’était pas de l’art ! C’est Ingres, qui, en 1860, alors qu'il vivait de ses portraits, avait dit en voyant les "plaques" de Nadar : "La photographie est une si belle chose, qu’il ne faut pas que ça se sache !". Une marine de Legret vient de trouver preneur à 500 000 livres à Londres, alors qu’avant on jetait les photos ! Moi-même, j’ai acheté au début des rayogrammes de Man Ray à cent euros, certains ont trouvé preneur à un million !
Gursky a utilisé un nouveau pinceau qu’est la photographie. Evidemment, ce serait "peint entièrement à la main", vous diriez "Oh Putain ! Ca c’est de l’art !". Dès que c’est de la photo : ce ne serait plus de l’art ? Ce qui compte c’est l’artiste. L’outil est secondaire. Entre les mains d’un Gursky, c’est génial. Entre les mains d’un con, c’est nul !
Gursky est allemand. Et les Allemands font la promotion de leurs artistes, contrairement à nous, Français, qui sommes les derniers communistes avec la Corée du nord… Il a compris qu’une photo pouvait devenir une œuvre absolument monumentale - (Rhein II mesure 3,80m sur 2,99, NDLR ) ! En inventant cela il a créé un langage. Ca ne peut être que Gursky !
Pendant cinquante ans, justement, quand on n’aimait pas quelque chose on a dit « tu fais du Picasso ! ». C’est d’ailleurs pour cela qu’un jour à quelqu’un qui lui disait : « C’est du chinois, votre truc ! », Picasso a répondu « Madame, l’art, c’est comme le chinois, ça s’apprend ! ». On a toujours flingué ce qui était nouveau ! Ma grille de lecture pour juger tous les domaines de l’art, c’est la règle des trois « i ». Inventeur. Imitateur. Et Idiot. Les deux derniers étant 90% ! A nous de comprendre qui sont les inventeurs.
Mais on fait bien des copies de tableaux. Et puis, au début des ventes aux enchères des photos, cela a été une de nos grandes discussions avec d’autres galeristes quand j’ai lancé ce marché. On a publié un texte qui définissait la photographie, le retirage, etc. On s’est aussi demandé s’il fallait les numéroter. La réponse a été oui, car quand on est collectionneur, on veut savoir combien d’œuvres existent. Une photo tirée à cinq exemplaires est ainsi bien plus chère que si elle est tirée à 300 exemplaires… Elles sont toutes signées, numérotées et c’est fini ! Une photo sans certificat signé par l’artiste ne vaut rien.
Quelles seront les prochaines œuvres qui pourraient arriver sur le marché des enchères d’art ?
La prochaine étape sera l’art numérique. On peut tout faire : des sculptures, des peintures ou des projections...