Marcher et pédaler en ville pour améliorer la santé
L'amélioration de l'environnement de vie peut-il permettre d'améliorer la santé, au-delà des questions de pollution? Catherine Cecchi, vice-présidente de la Société française de santé publique, qui organisait un colloque sur ce thème à Paris les 16 et 17 septembre, en est convaincue: «Les environnements de vie constituent et deviennent des socles de réflexion de la santé publique mais aussi son champ d'intervention», affirme-t-elle. Et d'insister sur l'aménagement de l'espace et l'accessibilité des lieux de vie. Comment en effet «faire bouger» les Français plus de 30 minutes par jour -selon les recommandations des autorités de santé- si rien n'est fait concrètement pour les y inciter?
«Nos villes ne sont plus conçues pour les piétons», déplore le Dr Faouzia Perrin, de la direction de la santé publique et environnementale de la ville de Grenoble qui a adopté une signalétique piétonne pour favoriser la marche.
Même constat d'Albert Levy, architecte urbaniste et chercheur au CNRS, en élargissant la focale: «Les zones d'urbanisation se créent le long des réseaux produits par l'automobile. Il y a une injonction de la vitesse.» À force de privilégier l'augmentation de la fluidité des déplacements en voiture, celle-ci «a fini par occuper presque tout l'espace de la voirie, aussi bien pour la circulation que pour le stationnement», remarquait, en 2008, l'Espagnol Francesc Magrinyà dans la revue Urbia Les Cahiers du développement urbain durable.
Objectif: 10.000 pas par jour
La création de communautés résidentielles, qui sont physiquement séparées et éloignées des services non-résidentiels ou commerciaux, a encore accentué le choix de la voiture dans les déplacements quotidiens pour les courses ou les rendez-vous divers.
Les choses ont cependant évolué entre 2000 et 2010, selon le Centre d'études sur les réseaux, les transports, l'urbanisme et les constructions publiques (Certu), notamment dans les grandes agglomérations. Car les collectivités locales ont investi massivement dans les transports collectifs et l'aménagement des centres-villes dans le sens d'un partage de la voirie d'avantage favorable aux transports collectifs et aux modes de déplacement doux (vélos, marche…)
Mais le Certu note tout de même une érosion de la mobilité individuelle dans certaines grandes villes, comme par exemple Nice, Strasbourg, Bordeaux, Rouen ou Reims. Les leviers sont pourtant connus: «Pour la marche récréative, la présence d'espaces verts est déterminante, détaille Basile Chaix, chercheur à l'Inserm. Mais pour la marche comme mode de déplacement, c'est l'existence de transports en commun qui compte.»
Une étude récente montrait que les Français ne faisaient en moyenne que 7500 pas par jour au lieu des 10.000 recommandés pour la santé, or le type de transport utilisé influence ce paramètre. «Si l'on utilise les transports en commun, on effectue 200 pas de plus par dix minutes de déplacement», explique ainsi Basile Chaix.
«Jusqu'au début des années 2000, on a oublié la marche dans les politiques de transport», regrette Patricia Varnaison-Revolle, chef du département déplacements durables au Certu. Il est vrai que les chercheurs eux-mêmes n'ont commencé à s'intéresser à la «marchabilité» des cités, c'est-à-dire leur potentiel piétonnier (nos éditions du 20 mai), que depuis une quinzaine d'années.
L'enjeu est plus large encore. «Il faut prendre en compte le transport, l'habitat, le logement, l'aménagement du territoire pour développer un environnement favorable à la santé», explique Marie-Christine Favrot, chef du service politique de santé de la Direction générale de la santé. «Mais le monde de la santé ne peut pas agir seul», prévient Thanh Le Luong, directrice générale de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes).
Mauvais signe, le ministre des Transports, Frédéric Cuvillier, censé ouvrir le colloque, n'a pas daigné se rendre au ministère de la Santé ni même s'y faire représenter.