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Publié par Scientifique

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Alors que l’Autorité de sûreté nucléaire japonaise vient de requalifier hier la catastrophe de Fukushima au même niveau que celle de Tchernobyl (niveau 7), quels sont les véritables risques radioactifs ? Tentative de réponse.

Combien de radioactivité a été émise ?

L’essentiel de la radioactivité a été émis vers l’atmosphère entre les 15 et 17 mars. Elle provient des «éventages» des enceintes de confinement des réacteurs, afin d’en éviter la rupture sous la pression trop forte. Et surtout des explosions d’hydrogène qui ont libéré dans l’air la radioactivité contenue dans les bâtiments. Cette émission est mesurée par des balises sur le site de la centrale - à moins de 500 mètres du réacteur numéro 2, le plus émetteur, et aux entrées du site, à un kilomètre. Ces mesures sont publiques. Une courbe de la balise d’entrée permet de relier presque chacun des pics, lors des trois jours les plus émissifs, à un épisode identifié de l’accident. Le plus élevé se situe vers 12 millisieverts par heure. Le dernier pic se comptant en millisieverts en date du 21 mars. Depuis, il faut compter en microsieverts par heure (μS/h, unité mille fois plus petite).

Ce «panache» radioactif a été évalué et modélisé par l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) dès le 20 mars. Ces calculs ont été confirmés par les mesures de radioactivité réalisées en Amérique et en Europe. L’estimation d’environ 10% des niveaux de Tchernobyl semble donc solide. Pour estimer le risque, il faut tenir compte de deux faits : l’essentiel du panache a été dirigé vers l’océan Pacifique ; et la population environnante, sur 20 km, a été évacuée avant l’émission.

Quels risques pour les travailleurs de Fukushima ?

Le site est trop contaminé pour que l’on puisse y travailler normalement. A la radioactivité ambiante, il faut ajouter des zones beaucoup plus dangereuses. L’eau qui a coulé en salles des machines peut émettre jusqu’à un sievert… et plus, si on plonge dedans. Les travailleurs doivent se protéger de la contamination par des équipements (évitant inhalation ou ingestion) et porter des dosimètres électroniques individuels pour être alertés s’ils s’approchent d’une zone trop contaminée. Ces conditions de travail extrêmement dures vont se prolonger, car seule une décontamination du site pourrait les améliorer, ce qui ne peut se faire que petit à petit. L’urgence : empêcher une nouvelle détérioration des réacteurs et des piscines à combustible. La Tepco a été autorisée à exposer les travailleurs jusqu’à une dose totale de 250 millisieverts. Actuellement, 19 travailleurs ont subi une exposition de 100 à 180 millisieverts. D’après les médecins et l’épidémiologie, sur 100 personnes exposées à 250 millisieverts, on constate, en fin de vie, un cancer de plus que sur une population non exposée. C’est un risque, mais il n’induit pas des«sacrifiés».

Quels dangers dans la région

autour de la centrale ?

Le gouvernement a décidé l’évacuation d’une zone de 20 km. Et recommande le départ des femmes enceintes et des enfants dans une zone de 20 à 30 km. Dans ce dernier périmètre, des mesures montrent des niveaux divers et très variables, avec des taches de surcontamination. Des ONG parcourent la région avec des compteurs. Des alertes ont été lancées sur des légumes ou l’eau potable - les alertes ont concerné des niveaux de plus de 100 becquerels par litre (limite pour les enfants), mais demeurant à moins de 300 Bq/l, (limite pour les adultes). La plupart du temps, les niveaux flirtaient avec les seuils sanitaires.

Des témoignages montrent que l’accès à la zone des 20 km n’est pas vraiment contrôlé et des agriculteurs s’y rendent pour s’occuper de leurs bêtes. La ville la plus importante de la zone des 30 km, Minamisoma, a été abadonnée par de nombreux habitants. Ceux qui restent ne bénéficient plus d’une vie normale. Il y a là une contradiction. Soit le niveau de contamination permet une vie normale ou presque, avec des systèmes de surveillance et des précautions pour les produits agricoles et l’eau… soit il ne le permet pas, et il faut organiser une évacuation, a minima des zones concernées par la surcontamination.

L’IRSN vient de réaliser une carte plus précise (lire ci-contre) estimant les doses reçues pour une résidence d’un an. Elles sont calculées pour l’irradiation, donc sans les contaminations internes (inhalation et ingestion de particules radioactives). La carte montre que la contamination ne suit pas le zonage circulaire, mais dévoile une sorte de pétale vers le nord-ouest sur 40 km et des taches. Les doses reçues - d’au moins 30 mS/an dans les zones les plus contaminées - représentent un risque faible. Mais elles sont très supérieures à celles prévues pour la population vivant non loin d’une installation nucléaire en situation normale : 1 mS/an.

Le gouvernement annonce qu’il organisera d’ici un mois des évacuations supplémentaires des localités les plus touchées : Katsurao, Namie, Iitate, ainsi que de certains quartiers de Kawamata et Minamisoma. La déclaration cite une valeur de 20 millisieverts par an, qui semble avoir été retenue comme seuil plancher. Le Japon va devoir gérer cette situation sur de longues années, même si le temps atténuera les difficultés, au fil des opérations de décontamination.

Que se passe-t-il plus loin, à l’échelle du Japon ?

Le gouvernement japonais a mis en ligne sur Internet les mesures des balises dans les préfectures (régions). C’est louable, mais la plupart du temps peu explicatif, car les valeurs données ne sont pas traduites en termes de risques. A Ibaraki, une région au sud de Fukushima, le maximum enregistré a été de 1,5 μS/heure. Sur la balise des physiciens du synchrotron KEK de Tsukuba, à quelques dizaines de kilomètres au nord de Tokyo, le maximum est monté à près de 0,5 μS/h. La balise de l’IRSN, installée sur le toit de l’ambassade de France à Tokyo, affichait, le 8 avril, 84 nanosieverts par heure… soit moins qu’à Brest, Limoges ou Ussel. De tels niveaux de dose ne posent aucun problème de santé publique et se situent à l’intérieur des variations de la radioactivité naturelle que l’on peut relever sur la planète.

Libération.fr

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