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Publié par Scientifique

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Il suffit de considérer le teint cireux et les traits creusés qu'affiche en permanence le directeur général du géant britannique des hydrocarbures BP, Bob Dudley, pour prendre conscience de l'ampleur de "l'annus horribilis" provoquée par l'explosion meurtrière, le 20 avril 2010, de la plate-forme Deep Horizon.

De la facture plus élevée que prévu de la catastrophe à la cession de nombreux actifs pour financer les compensations ; depuis la baisse de la production et des réserves inscrites au bilan jusqu'aux menaces de la justice américaine de poursuivre plusieurs dirigeants pour homicide involontaire portant sur la mort de onze employés à bord : depuis son arrivée aux commandes, le 1er octobre 2010, le parcours du patron du géant britannique a été jalonné d'écueils, de rudes coups de tabac, de bombes à retardement.

 

 

LE MONTANT DE L'ADDITION FINALE ENCORE INCERTAIN

"L'année 2011 sera celle du rétablissement et de la consolidation " : pour l'heure, les bulletins de victoire que peut savourer Bob Dudley sont rares. Le 28 mars, les actionnaires ont reçu un dividende qui avait été suspendu en juin 2010 sous la pression de l'administration Obama. Alors que l'exercice 2010 s'est soldé par une perte nette de 4,9 milliards de dollars (3,43 milliards d'euros), première plongée dans le rouge des comptes annuels depuis 1992, le groupe de quatre-vingt mille employés a renoué avec les profits dès le troisième trimestre 2010 grâce à la hausse des prix du pétrole. Enfin, BP a signé avec plusieurs co-entreprises d'exploration dans le pétrole offshore (golfe du Mexique, mer de Chine), sur terre (Jordanie, Australie…) et dans les schistes bitumineux (Canada). Imaginer le scénario de demain revient à poser les points névralgiques du groupe. Ils sont au nombre de trois.

 

Tout d'abord, la montée progressive du coût des indemnisations et des opérations de nettoyage des côtes, qui dépasse désormais les 40 milliards de dollars. L'addition finale est incertaine, dépendant de l'ampleur des amendes que pourraient infliger au groupe les autorités américaines. Deuxièmement, les cessions d'actifs sont jugées insuffisantes par les marchés. Le délestage d'avoirs jugés non stratégiques, qui a été mené tambour battant, doit s'élever à 30 milliards de dollars d'ici à la fin de l'année. La Bourse exige le double.

 

La Russie est le troisième talon d'Achille de BP. Dudley a payé cher sa précipitation à conclure son échange de participations avec le groupe public russe Rosneft pour explorer l'Arctique sans obtenir auparavant le feu vert de ses trois associés oligarques dans la co-entreprise TNK-BP. Le trio a obtenu le gel de ce projet en mars devant un tribunal d'arbitrage suédois. En jouant ouvertement la carte Rosneft et le clan du premier ministre russe, Vladimir Poutine, Dudley s'est, de surcroît, mis à dos le président, Dmitri Medvedev, ce qui n'augure pas bien de l'avenir.

Dépourvu de l'arrogance de ses prédécesseurs britanniques le patron de BP, d'un abord simple et modeste, est un diplomate hors pair. Par ailleurs, BP paraît pour l'instant protégé d'une OPA hostile d'un concurrent car son cours élevé, même inférieur d'un tiers au niveau observé avant le drame, rend l'opération onéreuse. Sacrifier le gras pour préserver le muscle, tel est le défi de Robert Dudley. Il va devoir ramer à contre-courant.

 

 

Marc Roche

LeMonde.fr

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