Guérir la calvitie grâce à un traitement contre l'ostéoporose

La plupart du temps, la prise de médicaments s'accompagne d'effets secondaires. Parfois, ceux-ci sont surprenants. Ils peuvent même devenir utiles. La preuve, des chercheurs assurent qu'un traitement contre l'ostéoporose pourrait faire repousser nos cheveux !
Il n'existe aujourd'hui que deux traitements à la calvitie (l'alopécie androgénétique comme l'appellent les spécialistes) : le minoxidil et le finastéride. Mais tous les deux ont des effets secondaires indésirables comme des démangeaisons, une baisse de la libido ou des maux de tête. Et leur efficacité laisse souvent à désirer.
À la recherche d'une nouvelle alternative — à la fois plus efficace et qui serait mieux tolérée par les futurs patients —, des chercheurs de l'université de Manchester (Royaume-Uni) se sont intéressés à l'action de la cyclosporine C (CsA). Ce médicament est traditionnellement administré pour éviter un rejet de greffe ou pour lutter contre des maladies auto-immunes. Parmi ses effets secondaires bénins : le fait qu'il stimule la croissance des cheveux.

Favoriser la croissance du follicule pileux
Une étude approfondie de la molécule a permis aux chercheurs de conclure que la CsA réduit l'expression d'une protéine baptisée SFRP1 ; cette protéine inhibe le développement et la croissance des tissus, notamment celle des follicules pileux.
On est remonté jusqu'à la racine de la calvitie ! Une molécule, la prostaglandine D2, serait particulièrement bien représentée dans les tissus dégarnis et empêcherait la croissance des cheveux. Des pistes de traitements sont déjà avancées, et les chercheurs espèrent que ces médicaments se retrouveront sur le marché d'ici cinq ans.
Article de Janlou Chaput paru le 23/03/2012
Tout le monde se souvient de ce rituel. Durant la Coupe du monde de football 1998, le défenseur français Laurent Blanc allait toujours, avant le coup d'envoi des matchs, poser un baiser sur le crâne chauve de son gardien de but Fabien Barthez. Vingt ans plus tard, lors de l'édition 2018, ce geste affectueux sera-t-il encore possible ?
Pas sûr, affirment des chercheurs de l'université de Pennsylvanie (Philadelphie), qui annoncent dans Science Translational Medicine avoir découvert une molécule qui serait impliquée dans la calvitie. Un lipide, la prostaglandine D2 (PGD2), semble jouer un rôle dans l'inhibition de la croissance capillaire.
Cette nouvelle est intéressante puisque l'alopécie androgénétique (AAG) touche 80 % de la population masculine avant l'âge de 70 ans. Pour l'heure, seul un facteur de prédisposition avait été identifié, et encore chez une minorité d'hommes chauves, et concerne une mutation sur le gène du récepteur à la testostérone. Les autres causes restent encore très méconnues, et les médicaments actuellement utilisés pour traiter l'AAG ont été découverts par hasard, puisqu'ils étaient prévus contre d'autres pathologies.

PGD2, une molécule à s’arracher les cheveux
Dans cette étude, plusieurs éléments appuient l'implication de PGD2 dans la perte des cheveux, ou plus précisément dans l'inhibition de leur croissance. Dans un premier temps, des hommes chauves se sont prêtés au jeu, pour permettre aux chercheurs de comparer l'expression des gènes dans les régions encore chevelues et dans celles complètement dégarnies. Pour 81 gènes, l'activité a été notée comme étant plus importante, avec une mention toute particulière au gène favorisant la synthèse de PGD2.
Grâce à d'autres expériences, la prostaglandine a de nouveau fait preuve de ses capacités à empêcher la croissance capillaire. Il a également été montré chez des souris lors du cycle de croissance de follicules capillaires un pic d'expression de PGD2 au début de la phase de régression. Ou encore, lorsque les chercheurs ont transplanté des follicules humains chez des souris et appliqué la molécule suspecte, les cheveux n'ont jamais poussé. Enfin, ils ont découvert que des souris génétiquement modifiées n'exprimant pas la prostaglandine au niveau de la peau présentaient exactement les mêmes symptômes que dans une alopécie humaine.
Traitement contre la calvitie : inhiber l’inhibiteur
Tout porte à croire que PGD2 est un inhibiteur important de la croissance capillaire, et donc un acteur majeur de la calvitie. En guise de traitement, il est envisagé de bloquer son activité au niveau du cuir chevelu. Et le travail pourrait déjà être prémâché.
Car les scientifiques ont remarqué, dans leur étude, que PGD2 active un récepteur membranaire appelé RCPG-44 (récepteur couplé aux protéines G 44). Lorsque la prostaglandine vient se fixer sur cette molécule, une cascade réactionnelle se déclenche dans la cellule et bloque la croissance du cheveu. Les chercheurs pensent donc qu'inhiber RCPG44 bloquerait l'activité de PGD2.

Or, ce récepteur membranaire est aussi impliqué dans d'autres pathologies, notamment dans l'asthme. Et des compagnies pharmaceutiques travaillent déjà sur la mise au point de médicaments capables de l'empêcher de fonctionner. Les essais cliniques sont engagés. Ainsi, les auteurs de l'étude espèrent pouvoir récupérer le principe actif et le détourner pour l'introduire dans une crème à appliquer sur les régions susceptibles de se dégarnir.
Rien ne dit en revanche qu'il sera possible de faire repousser des cheveux chez les chauves. Cependant, l'espoir est de mise puisque que ces mêmes scientifiques avaient pu montrer en 2011 que même chez les hommes atteints d'alopécie, les cellules souches folliculaires restaient intactes, PGD2 ne faisant qu'empêcher leur prolifération. En bloquant la prostaglandine, ils espèrent déclencher la multiplication cellulaire et donc la croissance capillaire.
Un équilibre à ne pas rompre ?
George Cotsarelis, l'homme qui a supervisé ce travail, reste malgré tout prudent. Il rappelle qu'on savait déjà que les prostaglandines étaient impliquées dans le développement pileux. Mais parfois dans l'autre sens. Ainsi, le latanoproste, un analogue de la prostaglandine F2-alpha stimule la poussée des cils, tandis que la prostaglandine E2 favorise la croissance du pelage chez la souris.
Le chercheur suggère donc que ces molécules puissent se compenser mutuellement, et qu'il existe peut-être un système de balance pour un développement normal. Proposer un traitement qui bloquerait l'activité PGD2 pourrait entraîner un déséquilibre et causer d'autres effets, pas forcément désirables. Faisons donc peu preuve d'encore un peu de patience...