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Publié par Scientifique

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Une alimentation insuffisante au cours de la grossesse et dans la période périnatale provoque, chez la descendance, une modification durable de l'expression du gène de la leptine, une hormone qui régule l'appétit et la prise alimentaire. La démonstration vient d'en être faite sur un modèle de souris par une équipe française, qui a publié ses résultats, lundi 13 juin, dans The FASEB Journal, édité par la Fédération des sociétés américaines de biologie expérimentale.

Les scientifiques ont accumulé une quantité importante de données sur les effets d'une sous-nutrition maternelle, notamment chez des enfants nés pendant la seconde guerre mondiale aux Pays-Bas. Elles ont montré une corrélation entre la malnutrition pendant la grossesse et la petite enfance, en particulier pendant l'allaitement, et le développement de maladies chroniques chez l'adulte. Pour mieux comprendre cette interaction entre des facteurs environnementaux et l'activité des gènes, que l'on appelle l'épigénétique, les chercheurs s'intéressent à l'un des principaux mécanismes à l'oeuvre : la méthylation des gènes.

 

Lorsqu'un groupement méthyle vient s'ajouter à une base constitutive de l'ADN, il entraîne une répression de l'activité du gène concerné. Des études chez l'homme ont montré des différences de méthylation du gène de la leptine, sécrétée presque exclusivement par le tissu adipeux, selon que l'individu est mince ou obèse : l'altération de l'expression de la leptine est associée à l'obésité.

 

De ce fait, il était tentant d'examiner l'influence de la nutrition maternelle sur l'expression du gène de la leptine. Une équipe composée de chercheurs du CNRS, de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), de l'université Pierre-et-Marie-Curie à Paris et de l'Institut Cochin (université Paris-Descartes) s'y est attelée.

 

"Grâce à de nouvelles technologies, nous avons pu évaluer la correspondance entre un certain type de nourriture et de méthylation, et le fait d'être obèse, d'avoir un diabète et même des effets neuropsychiatriques", explique Jacques Mallet (Institut du cerveau et de la moelle épinière, Paris), l'un des principaux auteurs de l'étude.

 

Pour cela, les scientifiques ont nourri des souris dès le premier jour de leur gestation jusqu'au sevrage de leur progéniture, soit avec un régime de référence, contenant 22 % de protéines, soit avec un régime appauvri, avec seulement 10 % de protéines. Une fois sevrés, les souriceaux ont été alimentés avec le régime normal. Les différences constatées entre les deux groupes ne pouvaient donc provenir que du régime alimentaire maternel au cours de la grossesse et de la période d'allaitement.

 

Les souriceaux dont la mère avait été sous-alimentée avaient un poids significativement inférieur à ceux du groupe contrôle. Tant la masse grasse que la masse maigre étaient significativement plus basses chez eux. Cette différence était observée alors même que les animaux dont la mère avait eu un apport réduit en protéines consommaient une ration alimentaire plus élevée que les animaux de l'autre groupe. "La sous-nutrition maternelle en protéine modifie l'équilibre entre la ration alimentaire et la dépense énergétique chez les animaux adultes", écrivent les auteurs de la publication.

 

Ces observations étaient corrélées à une déméthylation spécifique du gène de la leptine, sans que la méthylation du reste du génome soit affectée. Les auteurs soulignent que "la malnutrition foetale produit ultérieurement une induction plus forte de la sécrétion de leptine en réponse à un repas".

 

"Même si ce modèle animal est très particulier et ne représente pas la situation actuelle de la majorité des futurs obèses, il montre que des événements d'origine environnementale peuvent entraîner des conséquences épigénétiques fortes sur des gènes clés du contrôle de l'appétit", commente le professeur Philippe Froguel (Imperial College, Londres, et Institut Pasteur de Lille), spécialiste de la génétique du diabète.

 

Il est frappant de constater le caractère durable, tout au long de la vie, des modifications provoquées par des facteurs intervenant in utero. Les cellules du tissu adipeux ou celles qui contrôlent leur production de leptine semblent garder une mémoire de cette exposition à un "stress nutritionnel", avance Jacques Mallet.

 

Pour le neurobiologiste, "l'un des intérêts de cette étude réside dans la possibilité de repérer des réseaux métaboliques impliqués dans l'appétit, la prise de poids, la régulation du taux de sucre dans le sang, et les interactions de différents mécanismes". L'étape suivante devrait consister à transposer ces études chez l'homme. L'objectif serait de permettre des diagnostics plus précoces et de proposer des traitements, "même si, pour l'instant, nous n'avons pas encore les outils pour déclencher une déméthylation", reconnaît Jacques Mallet. Cependant, le chercheur insiste sur le fait que d'autres paramètres, comme l'interaction mère-enfant ou des facteurs sociaux, paraissent impliqués.

Paul Benkimoun

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