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Publié par Scientifique

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L'Union européenne prend définitivement ses distances avec les biocarburants. Mercredi 17 octobre, la Commission a dévoilé un projet de directive plafonnant la part des carburants d'origine végétale dits de première génération, c'est-à-dire produits à base de cultures alimentaires, telles que le blé, le maïs, les betteraves, la palme ou encore le colza. Ces carburants, biodiesel et bioéthanol, qui représentent aujourd'hui 4,5% de la consommation d'énergie du secteur des transports dans l'Union, ne devront ainsi pas dépasser le seuil des 5% d'ici 2020.

Ce projet intervient alors que les biocarburants font l'objet de critiques de plus en plus vives, y compris de la part d'institutions internationales. Cette industrie est ainsi accusée de contribuer à la hausse mondiale des prix alimentaires constatée depuis 2007, de participer à l'insécurité alimentaire dans les pays en développement et d'aggraver la déforestation tropicale. En janvier, la Cour des comptes avait par ailleurs publié un rapport (PDF) estimant que le coût des biocarburants était loin d'être négligeable pour les consommateurs, qui auront déboursé 3 milliards d'euros de plus entre 2005 et 2010 pour les financer.

 

Enfin, leur bilan carbone serait sous-estimé. En septembre 2011, l'Agence européenne de l'environnement récusait une réglementation européenne qui considère les biocarburants comme des énergies "zéro émission". En question : l'absence de prise en compte des changements d'affectation des sols, qui entraînent la perte d'écosystèmes captant le CO2. Ainsi, le biodiesel de soja, qui offre une réduction de 77% d'émission de gaz à effet de serre sans prise en compte du changement de sol, provoque quatre à cinq fois plus d'émissions que le gasoil en comptabilisant chaque hectare de forêt tropicale transformé en un hectare de culture de biocarburants.

 

Malgré cette nette réorientation de sa politique, la Commission a néanmoins maintenu l'objectif global de parvenir à 10% d'énergies renouvelables dans la consommation du secteur des transports d'ici 2020. Il devra donc être atteint par d'autres moyens : le développement des véhicules électriques ou des biocarburants dits de deuxième et troisième génération, produits à partir des algues, des déchets végétaux ou de la paille.

  • Les biocarburants de 2e génération : déchets ou résidus végétaux

 

La paille peut servir à produire des biocarburants.

 

Les carburants de deuxième génération sont ceux produits à partir de déchets ou de résidus végétaux. "Des procédés sont aujourd'hui développés pour utiliser l'ensemble des composants de la plante au lieu de seulement extraire l'huile de ses graines pour faire du biodiésel ou son sucre pour produire du bioéthanol", expose Henry-Eric Spinnler, responsable de la chaire d'agrobiotechnologie industrielle à AgroParisTech. L'avantage : ces biocarburants de seconde génération n'entrent pas en concurrence avec l'alimentation humaine, en utilisant non les cultures mais leurs sous-produits.

 

 Néanmoins, la production industrielle d'éthanol à partir de résidus est encore loin de voir le jour. "Cela ne devrait pas être le cas avant 2020, estime Jérôme Frignet, chargé de la campagne biocarburants chez Greenpeace. Le problème, c'est que cette filière manque de volumes suffisants de déchets inutilisés." Les rémanents en foresterie et agriculture servent en effet à nourrir le bétail, fertiliser les sols ou encore abriter la biodiversité. Ils sont aussi utilisés pour produire de l'électricité et de la chaleur via le bois-énergie, une cogénération dont le rendement s'avère supérieur à celui des biocarburants. 

 

Les limites se posent aussi en termes de faisabilité technique. "On n'a toujours pas réussi à produire un niveau d'éthanol suffisant pour rentabiliser les procédés industriels d'extraction du sucre des déchets", explique Henry-Eric Spinnler. Selon le chercheur, le rendement de la conversion en éthanol de la matière lignocellulosique de la plante (cellulose et lignine, dont les chaînes de molécules sont difficiles à dissocier) s'avère 30 % plus faible que celui de la conversion de l'amidon (contenu dans les céréales). Le processus de fermentation est en outre plus lent. Enfin, le titre alcoolique, c'est-à-dire le degré alcoolique obtenu, se révèle moins élevé.

 

Dernier frein : les lourds investissements qu'exige une technologie plus complexe que celle employée pour les biocarburants issus de cultures agricoles. Une centaine d'unités pilotes de production de biocarburants de deuxième génération sont en fonctionnement ou en projet dans le monde, principalement en Amérique du Nord et en Asie, mais aucune n'a atteint l'échelle industrielle. Et en France, les projets comme celui de la Compagnie industrielle de la matière végétale, dans la Marne, se comptent encore sur les doigts d'une main.

 

 

Un biocarburant de seconde génération est néanmoins actuellement disponible : le biogaz, un gaz produit par la fermentation de matières organiques animales ou végétales. "Le méthane que l'on obtient par ce processus est en effet plus rentable pour faire avancer des véhicules que pour chauffer des bâtiments", justifie Jérôme Frignet. Cette énergie n'en est pourtant encore qu'à ses débuts : l'an dernier, le biogaz représentait seulement 1,8% de la production d'énergie primaire, selon les chiffres publiés en juillet 2011 par le Commissariat général au développement durable.

  • Les biocarburants de 3e génération : algues et levures

 

A Gruissan, quatre bassins de culture expérimentaux ont été ensemencés par la microalgue "Dunaliella salina" pour fabriquer du biocarburant.

 

Face aux contraintes des déchets agricoles et forestiers, les chercheurs travaillent sur des biocarburants du futur, issus d'organismes microscopiques. C'est le cas des levures qui dégradent des substrats (sucres) en lipides, ensuite transformés par des opérations chimiques en biodiesel. "Le problème de cette technologie, c'est que les substrats nécessitent de faire pousser des plantes ou d'utiliser des déchets, ce qui concurrence les cultures alimentaires", note Olivier Bernard, directeur de recherches à l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria).

 

 


La matière qui suscite le plus d'espoir, ce sont en réalité les algues. Le phytoplancton marin, qui se développe par photosynthèse, accumule en effet des huiles ou des sucres, d'où peuvent être tirés du biodiesel ou de bioéthanol. L'an dernier, une filière, Green Stars, regroupant 45 industriels, PME et instituts de recherche, a été créée et dotée par l'Etat de 12 millions d'euros sur trois ans pour exploiter les ressources de l'"or vert".

 

 

Parmi les projets pilotes, Salinalgue, mené par la Compagnie du Vent (GDF Suez) à Gruissan (Aude) , constitue le plus important site français de valorisation énergétique des microalgues. Quatre bassins de 250 m2, soit au total 1 000 m2, cultivent une microalgue locale, Dunaliella salina, acclimatée aux milieux salins. 

 

 

Les objectifs sont ambitieux car les micro-algues produisent des lipides beaucoup plus efficacement que les végétaux terrestres. "On peut espérer obtenir entre 20 et 30 tonnes d'huile par hectare et par an, contre 6 tonnes avec le palmier et 1 tonne avec le tournesol", assure Olivier Bernard. Autres avantages : ces végétaux aquatiques n'accaparent pas des terres destinées aux productions agricoles alimentaires. Enfin, leur culture nécessite un apport de gaz carbonique, ce qui permettrait de recycler du CO2 produit par les usines ou centrales thermiques.

Un point pèche toutefois : ces micro-organismes réquièrent un apport constant d'énergie pour les maintenir en suspension. Selon une étude publiée dans la revue Environmental Science & Technology, en juillet 2009, il fallait ainsi 66 mégajoules pour produire 86 mégajoules d'énergie issue de microalgues. Surtout, comme pour les biocarburants de deuxième génération, le développement des microalgues est aujourd'hui freiné par leur coût. "Produire un litre d'essence coûte pour l'instant 10 euros, estime le chercheur de l'Inria. On table encore sur une dizaine d'années pour que la filière devienne rentable."

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