La cigarette électronique est-elle vraiment sans danger pour la santé ?
S’il est clair que la e-cigarette est beaucoup moins dangereuse que la fumée du tabac, on n’en inhale pas moins des vapeurs chargées de substances qui n’ont rien à faire dans nos poumons. Que sait-on à ce jour de leurs risques pour la santé ? On fait le point.
Ces dernières années, la cigarette électronique s’est imposée auprès d’un large public. Économique, moins nocive que le tabac, cette option pour arrêter de fumer est plébiscitée par de nombreux fumeurs. Selon un baromètre de l’Institut national du cancer, 7,5 % des Français utilisent couramment une vapoteuse, soit une augmentation de 2,1 % par rapport à 2020 (source 1). 48 % d’entre eux le font dans le but d’arrêter de fumer.
Peut-on devenir accro à la cigarette électronique ?
Non, on ne peut pas devenir accro à la cigarette électronique. On connaît tous d’anciens fumeurs qui ont remplacé la cigarette classique par sa version électronique et l’ont en permanence à la main. Pourtant, d’après le Baromètre Santé Inpes 2015, seuls 9 % des utilisateurs vapotent depuis plus d’un an. « La plupart diminuent les doses de nicotine en trois mois. Un pourcentage réduit conserve de gros besoins, comme on l’observe aussi chez ceux qui ont une utilisation à long terme de gommes à la nicotine », note le Pr Dautzenberg, pneumologue.
Surtout, pour le Dr Guillaumin, tabacologue, il ne s’agit pas d’une vraie dépendance :
Le “plaisir” immédiat avec la cigarette électronique n’est pas le même qu’avec le tabac et la rapidité d’absorption de la nicotine est moins élevée, on risque donc moins de devenir accro.
Est-elle le meilleur moyen d’arrêter de fumer ?
Oui, la cigarette électronique est sans doute le meilleur moyen d’arrêter de fumer. Une revue d’études parue dans Cochrane montre que l’e-cigarette permet à près d’un fumeur sur dix d’arrêter de fumer à un an et à un tiers (36 %) de réduire sa consommation de moitié. Des chiffres équivalents à ceux des substituts nicotiniques de type patchs (les études annoncent 7 à 15 % de succès).
Pour le Dr Guillaumin : « Elle est plus modulable en fonction du goût, du besoin en nicotine ou de la façon d’inhaler de chacun. Efficace rapidement, elle peut aider à pallier certains manques. »
Quels sont les risques du vapotage pour la santé ?
Il n’y a pas de preuve à ce jour que le vapotage augmente le risque de cancer, comme l’a conclu un rapport britannique publié en septembre dernier basé sur plus de 400 études. « Mais nous n’avons qu’une dizaine d’années de recul depuis la commercialisation de la cigarette électronique, ce qui est trop peu pour écarter ce risque sur le long terme, notamment pour les cancers nasopharyngés, des sinus et des voies respiratoires hautes », insiste la Dr Dominique Triviaux, médecin tabacologue addictologue. D’autant que, comme le précise la Dr Aurélie Berthet, toxicologue, « il faut parfois quinze, vingt voire trente ans d’exposition à des substances cancérogènes pour développer un cancer. »
Il faut savoir que l’ajout de substances cancérogènes dans les e-liquides est interdit en France. Toutefois, des ingrédients (propylène glycol, glycérol, certains additifs) peuvent, lors du chauffage, se transformer en composés cancérogènes comme le formaldéhyde, l’acétaldéhyde et l’acroléine, et se retrouver dans la vapeur inhalée, bien qu’à des concentrations beaucoup plus faibles que dans la fumée de la cigarette traditionnelle. C’est aussi le cas des édulcorants, souvent ajoutés aux liquides fruités ou gourmands à la saveur sucrée, qui peuvent se dégrader en molécules potentiellement cancérogènes.
Dr Triviaux : Les vapoteuses délivrent des shoots de nicotine qui augmentent la fréquence cardiaque et la pression artérielle, mais quels sont les risques à long terme sur la santé coronarienne ? On ne le sait pas à ce jour.
Des essais sur des cellules humaines ont montré qu’à des niveaux d’exposition intensive aux aérosols de vapotage, certains marqueurs associés à la santé vasculaire (rigidité artérielle, thrombose, inflammation, stress oxydatif…) pouvaient augmenter, sans pour autant conclure que ces effets étaient possibles dans des conditions normales d’utilisation.
Plus la puissance est élevée, plus on génère de vapeur et donc, potentiellement, plus on s’expose à des substances toxiques.
Irritation de la gorge et toux sèche, liées à la nicotine, sont des effets indésirables fréquents et transitoires de la vape, mais selon le rapport britannique cité plus haut, il n’y a pas de preuve qu’ils puissent nuire à la santé pulmonaire. En revanche, la cigarette électronique peut aggraver un asthme existant chez des utilisateurs qui ne fumaient pas avant, et il n’est pas certain que la fonction pulmonaire et les symptômes respiratoires soient améliorés chez les fumeurs asthmatiques qui sont passés à la vape.
Le vapotage passif comporte-t-il des risques pour la santé ?
Les études montrent que les risques du vapotage passif ne sont pas nuls. On a retrouvé de la nicotine dans les urines et le sang de personnes présentes à côté d’un vapoteur. Cependant, ces taux étaient faibles et l’effet de la nicotine étant dépendant de la dose absorbée, le risque d’effets indésirables (dépendance, impact sur la pression artérielle…) est quasi inexistant.
De plus, le vapotage passif n’expose pas à des substances cancérigènes. Certains composants peuvent tout de même se retrouver dans l’air ambiant, selon les résultats d’une expérience conduite dans des conditions extrêmes par la Dr Aurélie Berthet, toxicologue. « Plusieurs composés ont été retrouvés, dont l’acétaldéhyde, le formaldéhyde, le benzène, le toluène, l’aluminium et le chrome, mais dans des concentrations très faibles, et qui diminuent rapidement à l’arrêt du vapotage. » Cette étude a également confirmé la persistance de nicotine dans l’air ambiant.
Une autre étude publiée en 2022 dans la revue Thorax a montré une augmentation du risque de toux et d’essoufflement chez des adolescents et jeunes adultes exposés chez eux au vapotage passif avec nicotine.
On ne peut d’ailleurs plus vapoter partout. La loi de santé promulguée en 2016 interdit d’utiliser sa cigarette électronique à l’intérieur des établissements scolaires (école, collège, lycée…) et des établissements destinés à l’accueil des mineurs, dans les moyens de transport collectifs fermés (bus, train, métro, tramway…), ainsi qu’à l’intérieur des “lieux de travail fermés à usage collectif”. Cette dernière définition reste floue et les décrets d’application apporteront des précisions, notamment pour le cas des bureaux.